« En pleine ville »* est une série de courtes anecdotes relatant mes souvenirs d’enfance au coeur de Montréal. Tout commence ici, avec un prologue et les deux premiers chapitres.
Prologue
Sur la petite table de jardin, il y a un fusil en plastique, témoin d’une fusillade fratricide entre indiens et cowboys. Il y a aussi un bébé dans une chaise de bébé. Moi. C’est l’été de l’an de grâce 1964. Nous sommes au Parc des Érables à Laval et j’ai 3 mois.
Sur l’autre photographie, je suis dans une poussette. On y voit mon papa tout souriant. J’ai un an. C’est à Anjou. Nous y habitions. J’y suis né en fait.
De cette époque, je n’ai aucun souvenir, bien naturellement. Des images. Quelques anecdotes racontés peuplent mon imaginaire. Notre chien qui a mangé le chien du voisin, un singe qui est mort d’un coup de soleil dans notre salon, des histoires de grosses bagnoles et de Cadillacs.
Tout ça ne m’appartient pas vraiment. Mais j’y reviendrais assurément un jour.
Ma vie commence plutôt dans un 7 1/2 de la rue Henri-Julien à Montréal. Celle de mes souvenirs d’enfance. Ceux qui peuplent ma caboche encore aujourd’hui. Le petit garçon que j’étais ne m’a jamais quitté. Il n’a jamais cessé d’existé. De me parler. J’ai décidée lui laisser la parole. Mais ne vous fier pas trop sur lui pour la justesse de ses histoires. C’est un petit snoro.
1 – La quatrième fille
Oh mon Dieu ! C’est donc ben une belle petite fille !
Merci ma chouette !
Oh ! Dominique ! Quel joli nom pour une si jolie demoiselle !
…
Dominic avec un C. Avec un C. Je suis un gars. Garçon. Un garçon. Un petit cul. Pas une fiiiiiiiiiille. Aye là.
Bon, mon vrai nom c’est DominiQUE et j’ai l’air d’une fille. Cheveux long, blond, yeux un peu en amandes, visage rond… Nommé en l’honneur de la petite amie de mon frère Richard, qui habite à quelques portes de chez nous. Quatrième de quatre gars, mes parents voulaient une fille. Ils ont eu un gars finalement. Bon, tant pis ils ont dit, ça sera Dominique. Faque en attendant la moustache, j’ai décidé de mettre un C à mon nom. Partout. À l’école aussi.
Ça aide pas vraiment.
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2 – En pleine ville
Mon quartier, c’est Saint-Louis de France. En fait, non, c’est chez nous, au 3677, c’est aussi une rue, une ruelle pas de nom, le Carré Saint-Louis d’un côté et mon école Jean-Jacques Olier de l’autre, sur l’Avenue des Pins.
Sur ma rue, il y a deux dépanneurs, excellentes sources de Popscicles à l’orange et trois couleurs et de Cream Soda. Il y a celui de Madame Saint-Jacques et l’autre aussi de l’autre côté de la rue, nouveau (j’ai oublié le nom, je vais demander à maman cette semaine), les Fusiliers Mont-Royal, des tas d’escaliers extérieurs pour jouer à la cachette, des trottoirs, une famille de 14 enfants, des amis à moi, des gens qu’on voit rarement, une vielle dame gentille, Dominique la fille et les amis de mon autre frère, Pierrot, Ah oui, il y a deux Pierre Trudeau chez nous. Mon père et mon frère.
La ruelle. Ça c’est pour les mauvais coup et pour trainer un peu. Et pour aller au petit terrain de jeu qui donne sur la rue Laval. Un raccourci.
Le carré. Et son trou géant de béton avec une fontaine au milieu. Ce n’est pas encore le carré des pimps, ni le « Square Saint-Louis » et son jolie bassin. C’est avant. Y’a des hippies qui y traine et Pauline Julien habite dans une maison autour (mais ça c’est une histoire pour plus tard).
C’est tout. TOUT. Mon terrain de jeu. Mon théâtre. Mon univers. C’est immense.
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* Le titre « En pleine ville » est un clin d’oeil au recueil de textes et de contes intitulé « En pleine terre » de Germaine Guèvremont.
Publié le 8 avril 2018 sur domtru.com