Backflips, ratchets et canifs suisses

J’ai déjà écrit quelque part qu’il ne faut jamais terminer l’écoute d’un Ted Talk. Qu’il ne faut jamais terminer de lire le livre de ce gourou extraordinaire du marketing que vous aimez tant. Pourquoi? Eh bien, pour laisser votre imagination compléter la suite. Pour vous laisser la chance de choisir votre suite. Le prémâché fait de nous des moutons. Des suiveux. À tout coup.

Offrez-vous pour une fois une page à moitié blanche. Elle ne peut que vous inspirer la nouveauté. La réinvention. Laissez-vous porter par votre expérience, par votre intuition. Par votre sens de ce qu’est LA chose à faire. La pensée des autres est un tremplin. Vous seul devez faire le saut. Précipitez-le.

Et si vous suivez ce conseil, vous ne devriez pas lire ce papier jusqu’au bout.

Il faut faire souvent ce saut. Plus souvent aujourd’hui qu’hier. Pour voir ce que ça donne. Pour l’effet. L’adrénaline. Accumuler les expériences passées pour mieux faire son prochain backflip. Non pas pour la galerie. Pour une certaine satisfaction personnelle. Travailler le présent avec les leçons du passé pour un meilleur lendemain. Chercher du sens. Pas toujours facile en publicité.

Un truc si ça vous tente/chante, si le vide vous attire (ah, ah, ici, la métaphore est presque drôle à pleurer): les avancements technologiques, la science et les nouveaux médias sont immanquablement des occasions en or de tenter un nouveau backflip.L’avènement de la parole, du dessin et de la sculpture, de l’écriture, des tablettes sumériennes, de la presse de Gutenberg, des journaux, de la couleur en impression, des magazines, du design, de la psychologie, de la radio, des statistiques, de la télévision, de l’ordinateur personnel, d’internet, des réseaux sociaux, de l’intelligence artificielle… et j’en passe, autant de bons moments, de bons signaux, de bons jalons pour aller de l’avant. Et réinventer votre vie de communicateur. De marketeur. De publicitaire. Juste pour voir où ça pourrait vous mener.

Ici, le discours du changement est généralement polarisé. D’un côté, de tout temps, les apôtres intransigeants de la nouveauté à tout prix. De l’autre, les plus ou moins traditionalistes (les 70/20/10*), portés surtout par tout ce qui est «tried and true». Les raisons d’établir son camp sont multiples et respectables: savoir-faire, audace, convictions, foi, parts de marché, expérience, inexpérience, incompréhension, inertie. Une prise de position se traduit toujours par une spécialisation, une particularité de l’offre qui fait partiellement fi ou carrément abstraction du passé ou du présent/futur.

J’ai péché dans les deux camps. J’ai craché sur la télévision. J’ai vomi sur les réseaux sociaux.

Dites-moi, vous avez remarqué que toutes les avancées mentionnées ci-dessus sont, sous une forme ou une autre, encore et toujours aujourd’hui présentes dans nos vies? À bien y penser, chaque saut est un outil de plus dans notre coffre de communicateur. Pourquoi choisir? Pourquoi dénigrer? Pourquoi détester? Pourquoi choisir un coffre à moitié plein? À moitié vide?

Moi je préfère maintenant le coffre de luxe. Rempli de gadgets. Mais sans oublier les bons vieux ratchets et mon tournevis étoile. Et mon canif suisse naturellement. Je fais dorénavant des backflips avec mon coffre à outils plein à craquer. Et je n’ai plus de camp. Pourquoi choisir?

Ah oui, les réseaux sociaux, c’est un outil fantastique. Vraiment.

Tous nos nouveaux gadgets de communicateur/marketeur ont un mode d’emploi différent. Pas toujours plug & play, malheureusement. Il faut trimer fort, apprendre vite. Nous n’avons vraiment pas le choix. Aussitôt un de maîtrisé, un autre est déjà sur le marché. Utilisé. Vous avez joué avec Alexa ou Google Home récemment? Moi, je l’avoue, pas encore. J’ai hâte. Je tripe. Encore et toujours.

Tiens, j’offre une de mes demi-pages blanches à ceux toujours là à me lire. Un rappel pour certains, un aide-mémoire pour d’autres, certainement une clarification pour les nouveaux joueurs parmi nous.

Il y a, d’hier à demain et outre les outils choisis et leurs spécificités inhérentes (ce ne sont que des outils, après tout, pas une finalité), certaines composantes immuables et essentielles au succès de toute activité de communication digne de ce nom. Souvent malheureusement incomprises. Ou jamais proprement apprises. Après autant de sauts, voici où j’en suis:

La fondation d’une activité de communication est, de tout temps, constituée de trois éléments stratégiques incontournables et ficelés très serrés. Ils forment son blueprint:

  1. L’histoire racontée** (sa promesse, sa structure, ses formes dans le temps et l’espace, ses «acteurs»)
  2. Le choix et la chorégraphie précise des canaux de diffusion de cette histoire (de simple à complexe selon la réalité de l’auditoire)
  3. La portée de sa distribution (la justesse de son ampleur, petite ou grande)

Aucune nouvelle technologie, aucun nouveau saut n’a altéré à ce jour ce principe, cette recette de base. La même, du philosophe grec propageant sa pensée à la programmatique, en passant par votre cuisine et aux confins de l’espace avec Voyager. Et ne confondez pas, svp, cette fondation avec la mesure de son succès (encore trois éléments qui feraient jolis dans un PowerPoint). C’est-à-dire:

  1. L’engagement (souvent synonyme de portée gratuite et d’endossement)
  2. La conversion (l’achat, l’abonnement, la participation)
  3. La fidélité (la relation à long terme)

Tout ça, si simple. Encore une fois, si immuable. Malgré la nouveauté quotidienne. Malgré les nouveaux gourous. Malgré votre prochain saut.

Malheureusement, peu de campagnes sont réellement bien ficelées serrées. La répartition des tâches en agence et la diversification des agences par média n’aidant pas la cause. Par expérience, tous tirent la couverte. Tous ont la vérité. Tous ont leurs PowerPoints. D’où l’importance d’identifier, par acte de communication, par campagne, par déploiement d’une marque dans le temps, un architecte. Un responsable de l’édifice. Un créateur/gardien/visionnaire de l’histoire à raconter, à diffuser. Ce rôle primordial requiert naturellement une compréhension globale, holistique du métier.

Une piste pour l’attribution de ce rôle: donnez-le à l’apôtre le plus fervent de votre projet. Qu’importe son rôle actuel. En passant, vous ferez probablement tomber de murs.

Hey! Vous avez tout lu ce truc? Bon, pour cette fois, c’est OK. Ce n’est que mes mots, une demi-page gribouillée, sans trop de conséquences. Pour vous punir, promettez-moi d’inventer votre avenir. De bâtir vos idées. Il n’y a jamais de meilleures époques pour être précurseur, penseur, éclaireur. Celle-ci est la vôtre si vous le désirez. Cette occasion est à prendre maintenant. Et je parle surtout à vous, les filles. Trop longtemps à l’ombre des garçons et de leurs power trips, de leur ego. 2018 est à vous. La table est plus que mise. C’est votre tremplin pour les années à venir. Réinventez notre monde. Please, please, please. Ça urge.

Nous en avons tous grandement besoin. Et on sera là avec vous, à vos côtés. Promis.

* 70/20/10 = 70% de trucs «prouvés», 20% de trucs nouveaux pour les annonceurs, mais pas pour l’agence, 10% de trucs innovants. Une recette, une slide, à la fois sécurisante et conservatrice, particulièrement en pitch.

** Une «histoire racontée» en pub, en comm, n’est pas une histoire à la «il était une fois…». La chose s’apparente plutôt à un langage, avec ses mots, sa syntaxe, ses «acteurs». Chacune de ses itérations étant une nouvelle «phrase», un nouveau «chapitre» contribuant à la tâche en cours et à l’édifice qui est la marque.

 

Publié le 8 janvier 2018 dans Infopresse

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