Qui a peur du changement?

Avant chaque move* de carrière, je vais prendre un café avec lui. Pour entendre ses conseils. Pour me rassurer surtout. La première fois, c’était quand même pour lui donner ma démission, alors, vous savez, je lui dois bien ça. Yé fin comme ça, le mec. Merci vieux. Sans blague.

Mais la dernière fois, il y a trois ans, je dois avouer que j’avais la chienne. J’avais vraiment besoin d’une oreille bienveillante. Me lancer en affaires, sans parachute (il faut dire que je suis un né en bas de l’Avenue des Pins, pas en haut), après tant d’années sur le payroll… On devient junkie assez vite pas à peu près, assis confortablement sur ses chèques aux deux semaines.

Tout de go, après lui avoir raconté mon histoire, mon idée d’agence agile, sans employés, seulement avec des collaborateurs triés sur le volet pour les besoins des annonceurs et des projets, il m’a dit, attention, tu risques de te retrouver avec des clients B ou C.

Misère.

Je vous explique. Les clients B ou C, ben, c’est les miettes des agences. Ce sont les annonceurs qui ne font pas tripper les grosses agences. Des comptes avec peu de potentiel de bon PRet peu de potentiel de gagner des prix. Ce sont ceux aussi avec pas assez de cash pour payer l’overhead.

Pour finir, de bon conseil, et aussi assez visionnaire, faut dire, il m’a lancé: «Tu devrais peut-être te concentrer sur la création de contenus. C’est le truc qui va devenir à la mode. C’est peut-être plus safe. Pis ça va nous complémenter, nous, les agences.»

C’était p-a-r-f-a-i-t. C’était exactement ce que je devais entendre pour me décider à descendre finalement du bus. Il venait, sans s’en douter, de me convaincre de me lancer corps et âme dans la réinvention de la prestation de services en publicité. Fuck les modes. Nous allons nous attaquer au plus gros morceau. Il venait aussi de me donner une mission supplémentaire. En plus de réinventer, avec mes collègues, la forme optimale de l’agence contemporaine, je prouverai que cette nouvelle forme d’agence peut attirer les meilleurs clients. Les clients A.

Les clients A?

Oui oui, les clients A, très certainement. Just watch us. Mais B et C aussi. Ils sont aussi importants. Du plus petit au plus grand. Faisons fi de la catégorisation. Notre métier, c’est de mettre en marché des marques, des produits et des services. Ils méritent tous notre attention la plus dévouée.

Automne 2016. Trois ans plus tard. Contre toute attente, ce nouveau modèle d’affaires fonctionne admirablement et livre des projets remarquables, allant de la simple affiche aux stratégies de mise en marché les plus complexes et variées. Parfois, nous sommes quelques-uns, une toute petite équipe tactique, parfois, nous sortons les gros canons, des équipes complètes, complémentaires et tissées serrées sont crées, allant du stratège marketing au gestionnaire de communauté en passant par le directeur de création, le directeur artistique, le rédacteur, le producteur, le stratège média, le conseiller en relations publiques, le gourou du web et de la conversion, la maison de prod, le conseiller et j’en passe. Ce modèle adaptable séduit de nombreux clients, petits et grands, localement, nationalement et internationalement. Mais le plus beau dans tout ça, c’est que cette idée attire et fait des petits. Les artisans indépendants adorent y participer et en redemandent (ils ont enfin une voix, un impact et une place de choix au cœur de la création des projets marketing). Plusieurs collègues aussi embrassent ce modèle d’agence nimble. En pub, en design, en événementiel, en relations publiques, en médias. Toutes les sphères de notre métier y passent. Et vous savez quoi? Ces nouvelles agences travaillent et se présentent ensemble. Collaborent pour vrai, entres elles et avec les annonceurs. Imaginez maintenant la force et l’efficacité marketing et budgétaire de ce type d’organisation où rien ne dépasse. Jamais. Juste du bois deboute comme on dit.

Un nouveau choix existe. Une offre parallèle, forte, performante et immensément créative est dorénavant disponible. Une offre qui livre la marchandise. Nous en sommes tous la preuve vivante.

Qui a peur du changement?

Moi, naturellement. C’est instinctif… Ou acquis? Vous savez? Faudrait bien que j’étudie la chose… En tout cas, je sais bien que les habitudes sont confortables. Y’a rien comme mes bonnes vieilles pantoufles. Croyez-moi. Mais je sais aussi que mettre ses runnings, c’est pas mal trippant. Pousser les frontières, ses frontières, c’est payant. Ça fait grandir big time. Ce que ça donne, c’est parfois surprenant.

Notre industrie est un beau grand bateau. Faut juste faire attention qu’elle ne devienne pas un beau grand paquebot. C’est un peu pour ça aussi que j’explore, avec mes runnings, des nouvelles façons de faire et que je vous partage mes trouvailles, mes expériences. C’est pour nous aider tous à réfléchir à ce que nous faisons et à comment nous le faisons. Au fond, même si on est présentement juste une petite gang à faire les choses, disons, différemment, j’espère toujours qu’en vous racontant tout ça, vous y pensiez un peu. Histoire d’avancer, de faire une différence au sein de votre agence. Et pas nécessairement celle dont je parle plus haut. Tout est toujours à réinventer. Le statu quo n’est jamais une option.

Vous savez, l’air du large, quand le voilier file à vive allure, c’est enivrant.

 

* Ce texte est écrit en franglais de Montréal, une langue vivante que j’adore.

 

Publié dans Infopresse le 27 octobre 2016

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