Mon cœur se gonfle et je deviens tout à coup rêveur, un peu mélancolique. Pour vrai. Je vagabonde en pensée à la recherche du temps perdu. Généralement, les dimanches matins pluvieux.
Le métier de publicitaire en est un du passé. C’était une petite mort annoncée depuis belle lurette. Depuis l’avènement d’internet en fait. Son cercueil fut cloué par la démocratisation des réseaux sociaux et de la parole. L’hégémonie de la publicité comme seul vecteur de communication entre les marques et leurs «cibles» fut brisée pour de bon. Il a eu beau se tortiller dans tous les sens, pleurer un peu, se battre, merger pour faire semblant d’être cool ou pour survivre, gagner quelques trophées tardifs, rien n’y a fait.
Le métier de publicitaire en est un du passé. Il appartenait au XXe siècle. Tout comme la société de consommation qu’il a créée, d’ailleurs. Des vestiges sont encore trop présents, malheureusement. Des bonzes s’y accrochent encore. Normalement. De jeunes adeptes aussi, bizarrement. Allez savoir. C’est vrai que sa lumière nous atteint encore. Un peu comme celle d’une étoile éteinte il y a des milliards d’années. C’est quand même beau et grandiose quand on y pense.
Le métier de publicitaire en est un du passé. Mais comme toute pratique, surtout quand celle-ci a eu ses heures de gloire et de succès, il est bon de s’y attarder un peu et d’en comprendre ses arcanes. Mon passage à la pub fut révélateur et bénéfique. Il fallait la pratiquer pour comprendre sa mécanique, son efficacité, sa concision, ses faiblesses et ses limites. Il faut aussi connaître son histoire. Bien la situer dans l’évolution de la société. Comprendre cette relation fusionnelle entre elle et nous. Nous – précisément – à chaque époque. Pour enfin comprendre qu’elle a bien mérité son 4%.
Le métier de publicitaire en est un du passé. Il était imperméable à l’idée que d’autres que lui puissent influer sur la vie des marques et des consommateurs. Sa cécité fut sa plus grande faiblesse.
Le métier de publicitaire en est un du passé. Son incapacité chronique à devenir un partenaire présent, emphatique et incontournable dans le quotidien des marques, des annonceurs était inscrite dans ses gènes. Dans son agence. Elle était beaucoup trop dispendieuse pour servir un annonceur de façon continue. Au mieux, elle était un pit stop efficace, rapide et performant. Aujourd’hui, plus que jamais, les marques ont besoin d’être soutenues au quotidien. Elles ont besoin de gens qui les guident vers demain. Allègrement. Légèrement. Efficacement.
Le métier de publicitaire en est un du passé. J’expliquais à un copain, sur la route entre Québec et Montréal, comment la publicité (ce qu’il en reste, du moins), le design, les relations publiques, les pratiques numériques et sociales, les contenus, l’architecture de l’expérience, l’intelligence d’affaires et la création même de l’offre ne font dorénavant qu’un seul et même métier, celui de la mise en marché. Un métier passionnant. C’est une pratique complexe et collaborative qui ne tolère aucun biais. Une pratique ou l’hyperspécialisation est synonyme d’aveuglement et d’échec.
Le métier de publicitaire en est un du passé. Nous devons avancer. Cessons d’être cons comme la lune. Démontrons notre capacité d’écoute et transformons-nous. Devenons meilleurs. Pluriels. Surpassons-nous. Pour transformer notre société. Pour ne plus que tout soit publicité.
Le métier de publicitaire en est un du passé. Puisque c’est la fin de la publicité.
Publié dans Infopressse le 13 juin 2016.