Lettre à Émilie

«Je t’écris aujourd’hui parce que je me sens un peu tout croche. En voici la raison : j’ai omis de te mettre dans les crédits de deux de mes derniers projets. En toute conscience.»

C’est ma faute
C’est ma faute
C’est ma très grande faute d’orthographe
Voilà comment j’écris
Giraffe.
– Jacques Prévert / Histoires / Mea Culpa

Bonjour Émilie,

Je t’écris aujourd’hui parce que je me sens un peu tout croche. En voici la raison: j’ai omis de te mettre dans les crédits de deux de mes derniers projets. En toute conscience. Bon, je me suis dit, voilà, c’est vraiment un apport minime au projet cette relecture, et puis, au final, il y a eu peu d’impact à cette étape sur le projet… Alors, allez hop! Pas d’Émilie dans les crédits. Simple comme ça.

Suis con comme la lune ou quoi?

Moi qui suis un amoureux fou des artisans. Moi qui ai le plus grand des respects pour toutes les formes de talent. Moi qui pratique ce métier pour trois grandes raisons: créer des marques performantes avec et pour mes clients, faire avancer notre industrie et, surtout, jouer avec des gens formidables qui me portent et m’emportent. J’ai fait quoi là? J’ai fait fi de mes principes? Ça me coûte combien de mettre ton nom dans cette foutue liste de crédits? Nada. Nothing. Non, mais elle est où, ma générosité?

En passant, j’ai fait ça plus d’une fois. Des fois intentionnel, des fois un oubli. Ça ne m’excuse pas, loin de là. Tiens, je me souviens. J’ai fait ça à un autre aussi. Lui, il n’était plus là, alors… Ciao, bye bye. Hop! Une ligne de moins. Faut le faire quand même. Je ris un peu jaune aujourd’hui.

Alors, voici. Je m’excuse profondément. Vraiment. En toute honnêteté. C’est vraiment pas cool. Je vais écrire à qui de droit pour faire ajouter ton nom à ces fameuses listes de crédits. C’est bien pour toi, pour ta petite entreprise et c’est mieux pour ma conscience. Ton apport, aussi minime soit-il, toute proportion gardée, a été d’une importance majeure dans le déroulement de ces projets. Sans toi, pas de livraison finale. C’est aussi simple que ça.

Tout ça me fait penser à une chose. En publicité, contrairement à plusieurs professions «créatives», il n’y a pas vraiment de droits d’auteur sur notre travail, sur nos idées. Pour toutes sortes de bonnes ou de moins bonnes raisons, mais bon. C’est comme ça depuis belle lurette. Ça ne va pas vraiment changer demain. Et c’est peut-être normal. Ou non. Finalement, je ne sais pas trop quoi en penser. Faudrait bien que je m’y penche un de ses quatre…

Une chose cependant qui me trotte dans la tête, c’est d’écrire à nos amis de l’Association des agences de publicité du Québec pour qu’ils émettent quelques directives quant à cette notion de crédits et d’attribution des travaux publicitaires. Un simple communiqué à ses membres, peut-être? Un rappel si ce n’est déjà fait? Un genre de mode d’emploi pour toutes les agences? Quelques notions de base qui nous permettraient à tous d’être plus justes et généreux face à nos artisans et à ceux qui nous font vivre? C’est vrai que sans toi, sans ces gens qui font la «job» quotidiennement, de près ou de loin, employés, ex-employés ou pigistes, la pub québécoise ne serait pas là où elle est aujourd’hui.

Alors Émilie, voilà, c’est ce que je voulais te dire. Et j’ai bien hâte de retravailler avec toi, en passant.

Publié dans Infopresse le 28 novembre 2014

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